Nos priorités en cinq thèmes 

Nos enjeux prioritaires

Une observation pointue du contexte de notre action

Fondée en 1956 Énéo s’est fixé comme objectif de défendre l’accès pour toutes et tous à un bon niveau de vie. Si le contexte sociétal n’est plus le même, Énéo n’a pas changé de cap. Conscient des nouveaux enjeux de société, le mouvement a l’ambition d’être la référence pour la population plus âgée, qui souhaite compter sur une organisation active, dynamique et décisionnaire pour répondre aux défis posés par cinq enjeux incontournables : le vieillissement de la population, la crise climatique, les inégalités de genre, la numérisation et la redistribution des richesses.

Le vieillissement de la population

Le constat est sans appel : en Belgique, la population âgée de plus de 85 ans va plus que doubler d’ici 2070, et une personne sur cinq sera âgée de 67 ans et plus. Dans ce contexte, quelle place donner aux personnes âgées et aux relations intergénérationnelles dans notre société ? Comment les accompagner dans leur parcours de vieillissement ?

Encore aujourd’hui, les personnes âgées subissent des stéréotypes véhiculés à leur égard. Cet âgisme n’est pas qu’un phénomène qui reste au niveau des représentations. Il a des conséquences tout à fait concrètes dans la manière dont les personnes âgées sont non seulement perçues, mais aussi soignées, accompagnées, reconnues ; dans la manière dont elles prennent leur place dans l’espace public, dans leur famille, dans leurs lieux de vies. Ainsi, la vision paternaliste — quoique bienveillante dans de nombreux cas — de la personne vieillissante, l’empêche bien souvent de rester actrice de ses choix, tout au long de son parcours de vieillissement. On constate souvent des confusions entre l’autonomie et l’autodétermination d’une part, et entre la perte d’autonomie et la dépendance d’autre part. Parallèlement à ces formes d’âgisme, on constate encore et toujours une méconnaissance des personnes âgées, les enfermant dans des catégories alors qu’elles représentent des groupes hétérogènes aux besoins variés. L’âgisme a également des conséquences sur la façon dont les personnes âgées se perçoivent elles-mêmes et leur corps : perte de confiance en soi, dévalorisation et mésestime de soi…autant de fragilités qui peuvent alors accentuer les problèmes de santé.

Enfin, la crise sanitaire a mis en lumière les limites du système des Maisons de Repos et Maisons de Repos et de Soins qui ne sont pas toujours des lieux de vies adéquats et souffrent parfois de nombreux écueils : manque de financements, de considération, de coordination avec le système hospitalier... Parallèlement il existe une multitude de solutions transitoires aux maisons de repos, qui méritent d’être davantage développées et connues, et qui devraient renforcer un dispositif global de services et d’aides déjà existant.

Le climat

Aujourd’hui, il est impossible de fermer les yeux sur les changements climatiques provoqués par l’action de l’être humain sur la terre. L’urgence est bien là. Notre modèle de production et notre système économique sont en train de détruire l’écosystème.

Or, si l’urgence de l’action est incontestable, il est parfois bien difficile de passer de la parole aux actes. Et, dans cette lutte contre la destruction de notre planète, sont trop souvent opposées la responsabilité individuelle et la responsabilité collective. Tant au niveau individuel qu’au niveau des décideurs, les changements de mentalités, de comportements, l’implémentation de lois semblent beaucoup trop lents. Face à une réalité complexe, les réponses ne peuvent être que multiples et complexes. Il est donc primordial d’arrêter d’opposer les grandes mesures et les petits gestes. Au contraire, c’est à tous les niveaux qu’il faut œuvrer dans le même sens, si l’on veut espérer parvenir à un quelconque résultat.

Les enjeux climatiques sont vecteurs d’inégalités sociales et économiques, tant dans les effets du réchauffement climatique (les plus pauvres ainsi que les pays défavorisés sont les premiers touchés) ; que dans la construction de solutions soutenables (les personnes les plus précaires sont rarement prises en compte, reconnues et accompagnées dans la construction d’alternatives). Le changement climatique cristallise toutes les inégalités sociales et économiques, il est donc illusoire de séparer — voire d’opposer — la question du réchauffement planétaire, de celle des inégalités socio-économiques.

La perte d’ancrage local que nous constatons depuis de nombreuses années a des effets tant sur les solidarités que sur nos modes de production et de consommation. Mais des alternatives existent. D’autres façons de consommer, de produire, de vivre ensemble, qui remettent fondamentalement notre système actuel en question, se développent ici et ailleurs. Il est nécessaire aujourd’hui de soutenir ces initiatives, d’en être les acteurs.

La numérisation

Depuis 20 ans en Belgique, et ailleurs en Europe, on assiste à la numérisation croissante des services essentiels qu’ils soient publics (e-administration, e-gouvernement), d’intérêt général (e-health, e-mobilité) ou privés (e-banking). Le "Digital par défaut", consacré dans les textes européens (Stratégie numérique pour l’Europe), signifie que tout service soit conçu, à la base, en format numérique.

Si l’outil numérique peut permettre de briser l’isolement, d’apporter une certaine convivialité, d’accéder très rapidement au savoir et à toute une série de services, il a les défauts de ses qualités… dans la mesure où il place l’être humain dans une forme de dictature du numérique où il devient difficile de se déconnecter. Si le savoir est en accès rapide et souvent gratuit, reste que la quantité d’informations produites et partagées a de quoi donner le tournis et embuer franchement les consciences. Les phénomènes de « fake news » ne font qu’augmenter depuis ces dix dernières années. Et l’utilisation massive des réseaux sociaux entraine son lot d’effets négatifs : désinformation, servitude, agressivité de la communication, filtre des informations lié aux algorithmes, intrusion dans la vie privée, dépendance, consommation énergétique…

De plus, il s’avère que le caractère incontournable de l’environnement numérique, accentué par la crise sanitaire, laisse sur le côté celles et ceux  qui ne peuvent ou ne savent pas s’en servir pour des raisons liées à des difficultés d’accès au matériel ou par manque de compétences nécessaires. Les personnes âgées figurent dans les publics les plus fragilisés par la fracture numérique. Et l’évolution perpétuelle des procédures ne marginalise plus seulement  aujourd’hui les seuls  publics les plus éloignés des outils numériques.

Les inégalités de genre

Nous vivons dans une société qui prend conscience depuis de nombreuses années que l’égalité hommes/femmes n’est pas totalement acquise, et que les discriminations dont les femmes sont victimes sont encore trop nombreuses. En effet, les représentations liées au genre véhiculées dans nos sociétés continuent aujourd’hui à générer des inégalités qui perdurent avec l’avancée en âge. Ainsi, les inégalités qui touchent les femmes tout au long de leur vie s’expriment de manière spécifique avec l’avancée en âge : l’image dévalorisée de la femme âgée, des pensions beaucoup moins élevées à cause des inégalités liées aux carrières (plus d’une femme sur deux touche moins de 1000 euros par mois de pension), une répartition des charges de soins qui repose principalement sur les femmes (actives dans les métiers et les tâches du care). Ainsi, dans le monde, les femmes réalisent les trois quarts de l’ensemble du travail de soin non rémunéré et représentent deux tiers du personnel soignant rémunéré (et souvent peu rémunéré) qui apporte des milliers de milliards de dollars à l’économie mondiale et permet aux plus riches de prospérer[1]. Aujourd’hui, être femme et âgée est une double peine, alors même que nous vivons dans une société où il y a plus de femmes, et bien plus de femmes âgées, que d’hommes. Ces inégalités s’ajoutent aux différentes formes de violence dont les femmes et les minorités sexuelles sont quotidiennement victimes.

[1] Rapport_Oxfam_Davos_inegalites_2021.pdf (oxfamfrance.org)

La redistribution des richesses

Nous vivons dans un contexte de société où les inégalités sociales se creusent (les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches) et notre système de protection sociale peine à prendre en compte les nouvelles réalités et à réduire les inégalités. Le système économique sur lequel reposent nos sociétés est créateur d’inégalités, car il tend à enrichir les populations les plus nanties (qui ont le pouvoir) en exploitant le travail des plus précaires. La finalité principale est bien celle d’enrichir les détenteurs de capital et non de réduire les inégalités.

La redistribution des richesses continue donc à être inégalitaire. La fiscalité qui devrait être un outil permettant de corriger, ne permet manifestement pas de le faire.

En Belgique, la sécurité sociale est une solution collective et solidaire permettant aujourd’hui une certaine redistribution des richesses. Mais elle souffre, cependant, de certains écueils : elle n’est pas adaptée aux nouvelles réalités (mutation du marché du travail, croissance du vieillissement) et souffre d’un discours péjoratif, qui la présente non pas comme un outil de solidarité, mais comme une charge pour la société. Elle n’est donc plus perçue comme un outil légitime et efficace.

Par ailleurs, des initiatives ou propositions qui tendent vers plus d’équité se développent et se font de plus en plus connaître. C’est le cas de l’économie sociale et solidaire, du revenu de base, ou de la réduction collective du temps de travail. Si ces propositions sont régulièrement mises en débat, il est plus que temps de les concrétiser pour renforcer une juste redistribution des richesses.

C’est dans ce contexte qu’Énéo ambitionne de porter la parole des aînés aux côtés de toutes les associations qui cherchent à construire une société plus égalitaire.