La réforme des pensions

Dans le cadre de rencontres successives auprès de la société civile qu’organise la ministre des pensions Karine Lalieux, une réunion spécifique avec des membres d’Énéo a eu lieu à Namur !

14/06/22

Énéo a rencontré la Ministre des pensions !

La réunion était composée de deux parties, d’une part la présentation par la Ministre sur la réforme entamée et en chantier, et les échanges entre la Ministre et les participants d’autre part.

1. Présentation de la Ministre sur la réforme : 

L’après-midi a débuté avec la présentation de la Ministre sur le contexte socio-économique lié aux pensions – inégalités de montants pension entre hommes et femmes, explosion des bénéficiaires d’incapacité/invalidité, etc., suivie de la réforme des pensions déjà effectuée, celle en chantier et celle n’aboutira sans doute pas faute d’accord politique.

Parmi les mesures réalisées [1], la Ministre a cité les éléments suivants :

  • Revalorisation pluriannuelle de la pension minimum garantie
  • Relèvement du plafond salarial pour le calcul de la pension
  • Suppression du coefficient de corrélation (servait à diminuer le montant pension) pour les indépendants
  • Prolongation de la période d’allocation de transition [2]
  • Et une brève explication sur la réforme liée à la Grapa (assouplissement de contrôle de résidence et majoration pluriannuelle) [3]

Les points qui sont en phase d’aboutissement ont ensuite été présentés [4] :

  • Bonus pension (ajout de montant de pension de 2 € brut par jour de travail effectif après avoir rempli les conditions pour la pension anticipée)
  • Pension à temps partiel (permettant une réduction du temps de travail tout en étant pensionné(e). mesure également accessible après avoir rempli les conditions pour la pension anticipée)

La Ministre a également évoqué les points qui n’ont pas encore abouti à un accord entre les partenaires de la coalition, tels que la condition supplémentaire (de carrière) pour la pension minimum garantie et l’assouplissement de condition pour la pension anticipée.

Enfin, les questions relatives au financement sont confiées aux partenaires sociaux et les dimensions familiales – pension de survie, statut mariage, etc. – sont dans la phase de réflexions et d’études.

Durant la présentation, la Ministre s’est exprimée sur sa difficulté de négocier avec certains partis - libéraux et socio-démocrates - et justifie le non-aboutissement de certaines mesures qu’elle estime socialement justes (égalité homme/femme).

2. Échange avec la salle

Vous étiez nombreux à réagir après la présentation de la Ministre, et voici des questions et des remarques émanant de la salle : 

« Que fait-on de la divergence entre le statut de salarié et celui d’indépendant ? Notamment la différence de système de cotisation sociale des indépendants? »

Réponse de la Ministre :
Le système est en effet inégalitaire car plus on gagne, moins on contribue à la sécurité sociale (on ne paie plus de cotisation à partir d’un certain montant de revenu). Néanmoins, la Ministre n’est pas compétente en la matière…

« Pourquoi rendre plus stricte la condition pour pouvoir bénéficier de la pension minimum garantie ? »

Réponse de la Ministre :
Elle n’était pas demandeuse de ce durcissement, et la condition supplémentaire est selon elle fortement idéologique. Néanmoins, il fallait proposer un compromis.

« Pourquoi généraliser le 2e pilier sachant qu’il est inégalitaire et inefficace ? »

Réponse de la Ministre :
Elle semble être d’accord avec la remarque soulevée, elle dit aussi faire face à des membres du gouvernement qui sont favorables à l’élargissement de pensions complémentaires. Elle essaie de les rendre plus transparentes et moins inégalitaires.

« Il est indispensable de faire évoluer les pensions en fonction de coût de la vie. Qu’en est-il des enveloppes bien-être ? »

Réponse de la Ministre :
Les enveloppes bien-être au profit des pensions sont assurées pour les années 2022-2023.

« L’accès aux informations pensions est une des priorités du gouvernement. Serait-il possible d’instaurer un envoi automatique et généralisé de l’estimation détaillée et ouvrir un accès professionnel (aux experts du service pension, par exemple) ? »

Réponse de la Ministre :
L’envoi postal sera trop cher et l’accès professionnel est difficile à réaliser à cause de règlement européen sur la protection de la vie privée (RGDP).

« Le cumul entre la pension de survie et une prestation sociale pose de problème pour beaucoup de femmes générant entre autres une situation de piège fiscal, à l’emploi et de difficultés administratives. Une réforme serait la bienvenue [5] »

Une série de remarques plus générales fut également exprimées par des participants :

« Il faut insister sur l’importance d’intergénérationnel, en tenant compte de difficultés que subissent un nombre considérable de jeunes en termes d’accès au travail et à la qualité d’emploi »

« Comment se passe les carrières prestées à l’étranger (dans les pays voisins) ? »

« Il est important de considérer les pensions comme un revenu – directement réinjectée dans l’économie réelle – non comme un « coût » à maîtriser »

Une réforme mitigée n'apportant pas (encore) de changement fondamental de mentalité politique.

La Ministre a insisté sur le fait que son cabinet s’efforce de réinstaurer les pensions légales au profit du bien-être collectif, entre autres au profit des femmes. L’actuelle réforme des pensions a certes changé sa « nature » par rapport aux réformes précédentes, orientées essentiellement par une volonté d’austérité budgétaire.

Ceci dit, même si nous observons une orientation plus positive de la réforme, beaucoup de mesures sont en réalité associées à des conditions strictes, et nous apportons une évaluation nuancée quant à l’intensité de progrès annoncé en termes de montants et de conditions de départ à la retraite.

D'après la Ministre, la réforme est « budgétairement neutre », à savoir, la réforme « ne coûtera pas plus chère ». Cela démontre que les pensions légales - la protection sociale de manière générale - restent considérées comme des « coûts à maîtriser ». Il s’agit en fait d’un impératif politique au niveau européen avec une série de règlements budgétaires.

Dans ce contexte politique rude à l’égard des citoyens, il est indispensable pour un mouvement social comme la nôtre de continuer à interpeller le monde politique pour briser certains tabous politiques, dont la révision de règlements budgétaires qui sont politiquement mis en place, et il ne s’agit donc nullement d’une contrainte « naturelle ».


[1] Veuillez consulter notre Balise n°77 « Quel avenir pour nos pensions ? Regards croisés sur la réforme » pour les explications plus détaillées de ces mesures.
[2] Article sur l’allocation de transition (journal En marche) 
[3] Veuillez consulter notre position en la matière.
[4] Explications détaillées également dans Balise n°77
[5] La question a été posée et développée par des experts du service pension de la mutualité chrétienne qui étaient présents dans la salle. Énéo prépare des remarques et des suggestions supplémentaires pour poursuivre la discussion avec la Ministre et son cabinet.